Le Libre Logiciel

Avec le Protectionnisme Informationnel, on "gagne" de l'argent démérité restreignant le flot d'information. Avec la Libre Information on se doit de mériter l'argent que l'on gagne, en contribuant au flot d'information.
-- par François-René Rideau

Sommaire

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Qu'est-ce que le Libre Logiciel ?

Le Libre Logiciel ("Free Software" en anglais) est le mouvement pour le développement et la diffusion de logiciels libres, c'est à dire librement et intégralement disponibles, avec leur sources et le droit de les utiliser, copier modifier et redistribuer ; il s'oppose en cela la propriété intellectuelle en informatique, qui prône le développement de logiciels exclusifs ("proprietary software" en anglais, aussi parfois appelé logiciel propriétaire en français), qui ne sont disponibles que dans une version immédiatement exécutable dans un environnement restreint, sans possibilité d'inspecter ou de modifier les sources, ni de redistribuer quoi que ce soit.

Les sources sont l'essence des logiciels : plus que les plans du logiciel, ils sont le logiciel même. Un logiciel distribué sous forme d'exécutable sans les sources n'en est qu'un extrait très partiel, d'usage limité dans le temps et l'espace.

Le Libre Logiciel impose tout de même des contraintes sur les modifications, qui relèvent du respect des utilisateurs autant que des auteurs : les auteurs originaux doivent être bien identifiés, ainsi que le logiciel original ; l'auteur des modifications et la nature des modifications doivent être également identifiés ; les auteurs originaux et le logiciel original ne sauraient être cités ou au contraire délaissés contre leur gré au cours de promotion d'un logiciel ; l'amalgame de leur image avec celle d'un produit différent doit être puni.

Finalement, un logiciel libre ne vient avec aucune garantie ; une garantie est un service du même ordre que l'assurance, qui nécessite de même la souscription d'un contrat auprès d'un spécialiste. Le Libre Logiciel assure cependant que ce service, ainsi que tout service concernant les logiciels, sera disponible au sein d'un Libre Marché.

Notez la distinction entre la notion de logiciel libre ("XEmacs est un logiciel libre") de celle de Libre Logiciel ("la FSF défend le Libre Logiciel"). Non pas que le distingo soit indispensable dans la communication courante, vu qu'il est en général évident selon le contexte, mais qu'il permet de catégoriser le mouvement général et ses revendications, par-delà le cas particulier de chaque logiciel. Si la loi imposait des restrictions telles qu'il n'y ait légalement aucun logiciel libre, le combat pour le Libre Logiciel continuerait plus que jamais.

Quant au nom "Libre Logiciel" lui-même, il rappelle d'autres mouvement pour la liberté individuelle, sous d'autre formes : "Libre Échange", "Libre Expression", "Libre Circulation (des biens et des personnes)", "Libre Marché", "Libre Association", "Libre Concurrence", "Libre Pensée", "Libre Entreprise". "Libre Logiciel" traduit "Free Software" comme "Libre Échange" traduit "Free Trade", et ainsi de suite. Si de nombreuses personnes utilisent cette terminologie, elles feront peut-être passer ce message fort.


Pourquoi il faut choisir le Libre Logiciel

Voici quelques raisons de choisir le Libre Logiciel, toutes redondantes car découlant du même principe de liberté : le Libre Logiciel met fin au monopole du fournisseur sur la modification d'un logiciel, y compris la correction de ses bogues et l'intégration d'innovations technologiques. Tous les points positifs du Libre Logiciel proviennent de ce qu'à un monopole (et aux inconvénients et aux abus associés) fait place un Libre Marché.

L'un dans l'autre, aussi bien les consommateurs que les producteurs effectifs de services logiciels sont gagnants avec le Libre Logiciel. Ceux qui ne sont pas gagnant sont les intermédiaires monopolistes que constituent les éditeurs logiciels, qui se nourrissent actuellement des forces vives mêmes de l'industrie du service logiciel, en prétendant fallacieusement être nécessaire à sa survie.


Objections Fréquemment Opposées

Mythes :

Mythe : «Un logiciel gratuit vaut forcément moins qu'un logiciel payé très cher»
C'est un raisonnement fallacieux : la valeur n'est pas le coût. Un trésor trouvé chez soi est un trésor, même si l'effort de le déterrer est bien moindre que celui qu'il aurait fallu fournir pour l'amasser. Un tas d'ordures, payées un million, serait toujours un tas d'ordures.

La civilisation est l'exemple d'un tel trésor dont nous jouissons tous sans à avoir à payer chacun le prix de la reconstruire à partir de rien. Les bulles financières aussi bien que diverses escroqueries nous fournissent autant d'exemples de choses dépourvues de valeur et néanmoins payées fort cher.

Une méthode pour avoir une bonne évaluation de la valeur d'un bien ou d'un service est de laisser faire le libre marché, dans lequel un grand nombre de fournisseurs et un grand nombre de clients sont libres d'échanger. Or, dans le cas des licences de logiciels exclusifs, un seul fournisseur a le droit de se présenter, et le prix en est donc artificiellement gonflé -- il n'y a pas de libre marché, donc pas d'information dans les prix. Dans le cas de la fourniture de logiciels libres, tout le monde peut concourrir, et le prix ridiculement bas auquel on peut se fournir en logiciels libres est réellement le reflet de ce à quoi le marché évalue la fourniture d'un logiciel brut: à peu près rien.

Si vous trouvez que les licences des logiciels libres ne sont pas assez cher payées, je suis prêt à vous vendre à prix d'or des licences des mêmes logiciels. Or, la valeur n'est pas dans les licences mais dans les services ; les licences ne sont que des barrières protectionnistes pour monopoliser, entraver ou anéantir le marché des services ; sans licences, un libre marché s'ouvre qui valorise les services autour des logiciels.

Mythe : «Les logiciels libres sont les logiciels gratuits»
La gratuité d'accès aux logiciels libres est secondaire pour les défenseurs du Libre Logiciel : elle n'a jamais été et ne sera jamais une revendication de principe. La revendication première est la Liberté de copier, d'utiliser, de modifier et de redistribuer les logiciels. Ainsi, il peut y avoir des logiciels libres qui ne sont pas gratuits d'accès, et des logiciels exclusifs qui sont gratuits d'accès.

La gratuité n'est qu'un effet secondaire bénéfique de la liberté, la libre concurrence entre distributeurs potentiels réduisant le prix d'accès à sa valeur marginale, c'est à dire presque zéro, étant donné l'essor des techniques numériques modernes. Et encore, cette gratuité d'accès n'est vraie qu'en première approximation, en comparaison au prix exorbitant des licences de certains logiciels exclusifs, puisqu'il faudra bien payer, pour une somme certes dérisoire, l'accès effectif au logiciel, par l'usage de moyens de télécommunications ou l'achat d'un support numérique solide (CD-ROM, etc). Notez bien que j'ai parlé d'accès et non pas de licence, car le terme de licence présuppose la logique du logiciel exclusif, selon lequel un ayant droit s'arroge le contrôle du logiciel.

Réciproquement, la simple gratuité d'un logiciel ne suffit absolument pas à offrir et garantir les libertés revendiquées par les tenants du Libre Logiciel. Tous les logiciels gratuits ou "freeware" ne sont pas libres ("free software") ; certains sont utilisés expressément pour attirer le public dans les rêts d'un éditeur de logiciel qui ensuite pourra user de son monopole pour imposer ses autres logiciels, ses services, etc. Même avec la gratuité et l'accès au source, un logiciel qui interdit les libres copie, usage, modification et redistribution implique une restriction de liberté qui peut induire un grand coût à long-terme, en soumettant l'utilisateur au monopole de l'éditeur pour tout service concernant le logiciel.

En fait, la gratuité du droit d'accès au logiciel n'est qu'un cas particulier de la vérité des prix dans un libre marché des services informatiques ; le coût marginal d'accès à un logiciel étant quasi-nul, son prix d'accès sera lui aussi quasi-nul ; mais de même, tous les prix de tous les services concernant des logiciels libres seront "vrais", et maintenus au plus bas, grâce au libre marché, alors qu'avec les logiciels exclusifs, l'absence de libre marché soumet le public au bon vouloir des éditeurs, sur le prix d'accès comme sur les services proposés.

Mythe : «Les logiciels libres reviennent plus cher que les logiciels exclusifs»
D'aucuns prétendent que la gratuité des licences n'est rien, et que si on considère le coût total d'utilisation de logiciels libres, cela revient plus cher que pour des logiciels exclusifs. Or, une telle affirmation est doublement fausse, et montre aussi bien une incompréhension des enjeux qu'un mauvais calcul.

Tout d'abord, ainsi que nous l'avons dit à propos du mythe précédent, la gratuité des licences n'est pas une revendication première, mais un effet secondaire nécessaire de la liberté de copier et de redistribuer ; en insistant sur cette gratuité, les propagateurs de ce mythe trompent donc le public sur la nature des revendications du Libre Logiciel. Ensuite, il est tout simplement faux que l'utilisation de logiciels exclusifs revient moins cher. En effet, l'utilisation d'un logiciel exclusif, en soumettant l'utilisateur au monopole de l'éditeur du logiciel, lui fera payer un surcoût sur tous les services associés à ce logiciel, sans compter les services qu'il refusera de fournir.

Bien plus grave est le problème de suivi de l'évolution d'un logiciel, et tout particulièrement de sa fin de vie. Avec un logiciel exclusif, chaque version achetée a une durée de vie finie, au-delà de laquelle plus aucun support technique ne sera disponible, plus aucun suivi de compatibilité avec les nouveaux environnements informatiques, etc. Le coût d'adoption d'un logiciel exclusif inclus donc nécessairement le coût de son abandon ultérieur, et de la refonte du système d'information de l'entreprise. Au contraire, un logiciel libre est pérenne, et peut être maintenu ad vitam aeternam, ou être migré vers une autre plateforme par petits morceaux qui siéront très exactement aux besoins des utilisateurs. De plus, les nouvelles versions du logiciel accapareront les ressources des uniques développeurs légalement capables de fournir le service de support technique, au détriment des utilisateurs, alors qu'un logiciel libre permettra aux utilisateurs de commanditer à toute personne compétente les modifications de leur choix. Enfin, la direction dans laquelle évoluent les nouvelles versions d'un logiciel exclusif est à la fois indépendante des préférences objectives des utilisateurs, et risquée du fait du choix unique fait par l'éditeur exclusif, alors que les logiciels libres évoluent au gré des utilisateurs, et que la concurrence entre les choix faits par des utilisateurs différents assure de meilleures chances de survie de la lignée du logiciel, face aux erreurs stratégiques des décideurs.

Bref, à moyen ou long terme, les logiciels libres se révèlent infiniment meilleurs, moins chers et moins risqués quant à leur coût total d'utilisation. Quant au très court terme, la gratuité de leur license les rend imbattables. Il n'y a que sur une courte période d'adaptation initiale qu'un logiciel exclusif peut paraître meilleur, et ce d'autant plus qu'il aura insisté sur une interface jolie qui attire l'attention. Mais cet avantage est un leurre.

Mythe : «La disponibilité des sources ne me sert à rien, puisque je ne sais pas programmer»
C'est une erreur induite par l'aveuglement d'une courte vue. Avec le même argument, des automobilistes n'étant pas mécaniciens ne trouveraient rien à redire de n'avoir pas le droit de regarder sous le capot de leur voiture, et de devoir s'adresser au seul constructeur pour tout problème, à l'exclusion de tout garage indépendant.

Or, même si une personne n'utilisera jamais directement les sources, s'ils sont disponibles et que besoin (ou simple utilité) s'en fait sentir, la liberté de les modifier veut dire qu'elle pourra toujours sous-traiter leur manipulation par des tiers. Au contraire, si les sources ne sont pas disponibles, elle sera à la merci du bon vouloir du fournisseur exclusif, pour tout réglage, correction ou modification au logiciel qui lui seraient nécessaires.

Je ne connais pas un seul utilisateur de logiciel commercial acheté les yeux de la tête qui ne soit pas constamment arrêté par les limitations inévitables de tout logiciel, démultipliées par l'incurie d'éditeurs satisfaits de leur monopole. Leur seule échappatoire dans un régime de protection est de disposer d'assez d'argent pour acheter ledit fournisseur s'il est assez faible, pour s'y associer s'il est intéressé, pour l'influencer du moins, ou à défaut, pour recommencer à partir de rien un nouveau logiciel équivalent et concurrent.

La liberté des uns bénéficie donc médiatement aux autres qui ne savent pas en user directement, tandis que la protection lèse non seulement les concurrents réels et potentiels, mais aussi tous les clients et fournisseurs potentiels ou réels ; elle asservit les petits et les honnêtes aux gros malhonnêtes qui disposent du capital nécessaire pour circonvenir la protection et se l'approprier.

Et même pour d'éventuelles personnes qui ne seraient affectées que très peu et très indirectement par l'atteinte aux libertés que constituent les logiciels exclusifs, accepter sans sourciller que l'on prive les autres de leurs libertés essentielles n'est que le premier pas dans la spirale infernale de la compromission généralisée par laquelle chacun se fait le complice de l'oppression de chaque autre. Toute atteinte à la liberté de quiconque est une atteinte à la liberté de tous.

Mythe : «Le Libre Logiciel, c'est bien gentil, mais ça ne mène pas loin»
Tout au contraire, les progrès à long terme ne sont obtenus que par du Libre Logiciel, et les logiciels ne laissent de trace durable que dans la mesure où ils sont libres.

On ne compte plus les logiciels exclusifs, qui, malgré leur supériorité technique indubitable (à un moment donné), ont dû céder la place face à des systèmes inférieurs, mais (plus) libres : ainsi les systèmes fondés sur des langages de bas niveau à la C ont-ils relégués en deuxième zone les systèmes fondés sur des langages de haut niveau à la LISP ; ainsi les interfaces graphiques exclusives Suntools ou NeWS de Sun, ou NeXTStep de NeXT ont-elles disparu face à l'interface graphique libre X du MIT ; ainsi quasiment toutes les architectures matérielles ont-elles été supplantées par celle des PC ; ainsi toutes les solutions réseau, courrier électronique, et hypermédia ont-elles laissé place à celles définies par l'Internet.

Localement, ce phénomène s'explique parce que malgré leurs avantages techniques initiaux possibles, les logiciels exclusifs, en excluant toute modification venant de tiers, ont par le même coup exclus le progrès qui va avec, ont exclus la capacité du logiciel de s'adapter sur mesure aux besoins des utilisateurs, tout en prélevant des droits d'entrée injustifiés à l'utilisation de ces logiciels qui excluent ceux qui n'ont pas les moyens financiers de participer.

Globalement, on peut démontrer formellement l'inéluctabilité de la pérennité des seuls logiciels libres, du fait même que les logiciels exclusifs vivent et meurent, et que les logiciels libres forment la base à partir de laquelle les nouveaux logiciels renaissent. Tout progrès obtenu dans l'exclusivité d'un logiciel exclusif n'est donc qu'éphémère ; un progrès logiciel partagé par tous de manière permanente est par définition même un logiciel libre !

Voire une illustration de cette vérité par Mark Pilgrim: Freedom-0.

Mythe : «Un logiciel libre offre une moins bonne assistance technique»
Tout au contraire ! Du fait que le logiciel est libre, tout un chacun peut l'utiliser et assurer l'assistance technique, et non pas seulement une compagnie à monopole ; il y a donc un libre marché qui réduit les coûts et améliore la qualité de l'assistance technique. De plus, le logiciel étant librement diffusé parmi un public d'où nul n'est exclus, les erreurs seront trouvées plus vite et mieux ; les personnes techniquement compétentes et/ou concernées étant attirées et pouvant exercer leurs compétences ne manqueront pas de le faire, ce qui contribuera aussi positivement à l'assistance technique.

Et si tous ces arguments ne suffisent pas, la communauté des utilisateurs de Linux a été élue meilleure assistance technique des années consécutives 1997 et 1998 par InfoWorld ! Depuis, tous les grands noms de l'industrie sauf l'ancien monopole se sont ralliés aux logiciels libres, franchement pour les uns, à reculons pour les autres.

Mythe : «Les logiciels exclusifs sont bons parce qu'ils offrent un interlocuteur unique»
Tout au contraire ! Les logiciels exclusifs proposent un unique interlocuteur sur chacun des dizaines, centaines ou milliers de composants d'un système complet, ce qui le plus grand problème pour avoir un interlocuteur unique réellement capable d'agir sur l'ensemble du système pour l'adapter aux besoins du client.

La chose importante pour les utilisateurs d'un système informatique n'est absolument pas qu'il y ait un interlocuteur unique pour tous les utilisateurs de la planète et différent pour chaque composant logiciel. C'est tout au contraire de pouvoir trouver un interlocuteur unique pour l'ensemble de tous les composants logiciels utilisés, et qui peut être différent pour chaque utilisateur de la planète. C'est cette seconde sorte d'unicité, qui, à condition de pouvoir trouver un interlocuteur fiable, offre aux utilisateurs la tranquilité d'esprit qui leur permet de déléguer vraiment leurs soucis informatiques et de se concentrer sur leur coeur de métier. Or, non seulement les logiciels exclusifs n'offrent absolument pas cette tranquilité d'esprit quant à l'existence et au choix facile d'un interlocuteur fiable, mais au contraire, elle est la source de tous les problèmes liés à l'absence d'un tel interlocuteur, lors même que le Libre Logiciel permet l'émergence sûre de tels interlocuteurs par un libre marché des services.

L'exclusivité juridique force l'utilisateur à se plier aux conditions du fournisseur unique de chaque composant, dont il ne peut pas discuter les prix ni les services, à moins de refondre complètement son système d'information. Dans un régime d'exclusivité, l'utilisateur n'a quasiment aucun levier pour s'assurer la fiabilité à long terme du service sur son système; il n'a que le choix du marché sur lequel il sera captif. En effet, à partir du moment où il tire ses revenus de licences, le fournisseur n'a qu'un intérêt économique limité à étendre la qualité de ses services, ayant plutôt intérêt à développer des moyens de vendre davantage de licences, par la course aux fonctionnalités secondaires, par la mise-à-jour forcée, par la vente liée, etc. Le jour où l'intérêt réel ou perçu du fournisseur unique n'est plus du tout dans le service, le jour où ce fournisseur unique change ses orientations stratégiques, a des problèmes financiers, etc., tous les clients n'ont aucun recours. En conclusion, avec l'interlocuteur exclusif, le choix de l'interlocuteur est facile, mais le fait que l'interlocuteur soit fiable non seulement n'est pas garanti, mais est quasi garanti d'être faux, sur le long-terme.

Au contraire, le Libre Logiciel offre une solution simple et éprouvée pour trouver et identifier un interlocuteur fiable: un libre marché. Comme pour les logiciels exclusifs, il y a toujours un interlocuteur facile à trouver, selon l'un quelconque parmi de nombreux critères: l'auteur original, le fournisseur le plus coté, le fournisseur le moins cher, le fournisseur le plus cher, le fournisseur le plus près, celui recommandé par tel ou tel journal ou association, etc. Et comme pour les logiciels exclusifs, il est possible qu'un fournisseur donné, y compris l'auteur originel, ne soit pas fiable sur le long terme. Mais contrairement aux logiciels exclusifs, la liberté des services ouvre la voie à ce que de nombreuses entreprises concourrent à offrir le meilleur service possible autour du logiciel original et de ses évolutions successives. Ceux qui n'ont pas le temps de réfléchir pourront toujours s'adresser au "leader" du marché (qui sera sans doute originellement l'auteur), avec la différence que ce leader ne tiendra pas sa place par la grâce d'un monopole légal, mais par une lutte permanente avec la concurrence, arbitrée par tous ceux qui ont effectivement le temps de réfléchir.

L'unicité de l'interlocuteur est donc l'un des plus grands problèmes liés au logiciels exclusifs et résolu par le Libre Logiciel !

Mythe : «Si mon entreprise publie les logiciels qu'elle utilise, la concurrence va en profiter»
Si votre avantage sur la concurrence se résume au seul fait que tel logiciel que vous utilisez est meilleur, c'est un bien triste avantage, bien incertain. L'avantage d'une entreprise sur sa concurrence réside dans sa richesse humaine et ses compétences, non pas dans les zéros et les uns d'une machine. La compétitivité d'une entreprise dépend de la faculté d'adaptation au marché, de la volonté de faire mieux, de l'effort de compréhension vis à vis du domaine d'action, de la qualité des rapports avec les partenaires. Le vrai capital d'une entreprise, ce sont ses hommes, et non pas ses logiciels.

Le logiciel ne représente qu'un outil, et son impact en terme de coûts et de productivité est sensiblement le même pour toutes les entreprises sur le créneau. En publiant le logiciel, on permet de réduire ces coûts de maintenance et d'augmenter la productivité de façon uniforme pour tous ceux qui jouent le jeu du Libre Logiciel, sans profiter (autant) à ceux qui ne le jouent pas (car ils doivent tout redévelopper en interne), sans modifier par ailleurs la donne concurrentielle de façon essentielle. Le résultat est donc un pur gain de rentabilité pour l'entreprise, et un gain en terme de meilleurs services rendus pour les clients. Et si la libre concurrence tendra à réduire le bénéfice de l'opération en-dessous de ce gain, elle favorisera aussi ceux qui joueront le jeu du Libre Logiciel par rapport aux autres.

Car enfin la compétitivité d'une entreprise ne dépend pas de sa productivité, mais de son avantage de productivité par rapport aux concurrentes. Le logiciel exclusif achète un avantage de courte durée, à un prix exorbitant, dépensé concurremment par toutes les entreprises ; il ne fait donc pas gagner de manière significative compétitivité, ni même en productivité. Le logiciel libre ne fait pas plus (ni moins) gagner en compétitivité à court terme, car il profite à la productivité de tous ; mais il libère des forces autrefois captives par des activités liées au logiciel exclusif, qui alors peuvent exprimer leur potentiel de compétitivité spécifique au secteur d'activité propre de l'entreprise. En fait, le monopole assure que c'est l'éditeur de logiciel exclusif qui captera tous les fruits de l'éventuel avantage compétitif que son produit génèrerait, alors que le libre logiciel assure que ces fruits seront récoltés par celui l'utilisateur, le prix des logiciels et des services associés restant au coût marginal.

Certes, si une entreprise arrive à imposer comme standard de fait un logiciel exclusif sur lequel la loi lui garantit indûment un privilège, alors elle pourra s'établir en monopole et exclure ses concurrents, au détriment de tous sauf d'elle - mais c'est en temps qu'éditeur à monopole de logiciel exclusif plutôt qu'en temps qu'entreprise, qu'elle fera alors fortune. Cependant, à moins que ce monopole ne grandisse jusqu'à être universel, la même entreprise souffrira autant sinon plus encore des autres monopoles auxquels elle devra se plier qu'elle ne profitera des siens. De plus, les employés d'une entreprise rendue prospère par monopole étant eux-mêmes lésés par ce monopole qui réduit la valeur marchande de leurs compétences par l'exclusivité accordée à cette entreprise sur le logiciel sur lequel ces compétences existent, l'ensemble des personnes profitant réellement du monopole est extrêmement réduit, bien qu'extrêmement puissant. C'est pourquoi tous, sauf un noyau de monopoleurs avides et puissants, ont intérêt à ce que la loi cesse de favoriser l'apparition de monopoles en accordant des privilèges sur les logiciels.

Mythe : «Si mon entreprise a à la fois une activité de développement logiciel et une activité d'utilisation du dit logiciel, n'a-t-elle pas intérêt à garder l'exclusivité de ses résultats ?»
La réponse n'est jamais que la combinaison des réponses précédentes, que permet le principe de modularisation, selon lequel une entreprise a tout à gagner à rendre indépendants des services disjoints, et permettre à chacun de se développer selon ses ressources propres.

Il faut donc répondre non, car pour chacun des deux services (client et fournisseur de développement logiciel), ce qui est gagné dans un tel contrat d'exclusivité est perdu plusieurs fois : Le développeur de logiciel, par l'exclusivité, perd des clients ; Le client, par l'exclusivité, perd des développeurs ; la rentabilité de chacun en pâtit. De plus, cela réduit la communication vers l'extérieur de ces services qui perdent en capacité d'adaptation.

Ce qui est gagné par l'intégration de services, c'est un meilleur couplage, un feedback permanent entre eux, qui leur permet de mieux s'améliorer l'un l'autre et soi-même, de raccourcir le cycle de développement, pour aboutir pour le client interne à des produits parfaitement adaptés à ses besoins, et pour le fournisseur interne, à des produits plus compétitifs. Ce gain est tout autant gagné avec le logiciel libre : l'intégration de services y marche tout aussi bien, et crée le même avantage par rapport à la concurrence, sans priver par ailleurs l'entreprise de la chance d'utiliser des logiciels libres.

Si le logiciel créé par la collaboration n'est pas utilement applicable aux cas qui intéressent la concurrence du service client, alors publier le logiciel ne favorise aucunement cette concurrence, et ne pose aucun problème à l'entreprise.

Si le logiciel créé par la collaboration est utilement applicable aux cas qui intéressent la concurrence du service client, alors publier le logiciel permet au service fournisseur de se placer de manière compétitive sur le créneau, grâce à ses compétences de première main sur ce logiciel ; il pourra alors se développer dans une direction nouvelle, en dehors de sa stricte collaboration avec le service client ; les gains en compétitivité de la concurrence du service client effectués par ce biais ne nuiront pas à l'entreprise, puisqu'elle aura fait payer ses services ; si quelqu'un d'autre décroche ce marché, il aura pu le faire de toute façon, et/ou le service fournisseur ne se sera pas montré intrinsèquement compétitif ; si d'un autre côté, les concurrents du client deviennent systématiquement plus compétitifs, c'est la preuve que la compétitivité intrinsèque du service client par rapport au produit total des deux services est insuffisante ; l'entreprise doit alors restructurer cette branche ou s'en défaire. Dans ces deux cas, la modularisation aura donc permis de détecter et de cerner finement les défauts de compétitivité, permettant donc d'y remédier.

Mythe : «Si je vends à perte un matériel pour pouvoir vendre du service autour, n'ai-je pas intérêt à garder exclusif le logiciel associé ?»
Non, car encore une fois, une position solide basée sur des compétences sûres et une bonne image de marque apportent un avantage compétitif réel, tandis qu'une position basée sur un privilège d'exclusivité est incertaine.

Si vous en êtes réduit à vendre un support à perte, c'est que vous êtes sur un marché émergent et que la concurrence n'existe pas (encore). L'exclusivité de droit n'apporte rien, car il y a déjà exclusivité de fait. Par contre, elle fait perdre tout le potentiel de coopération avec des développeurs externes indépendants pour l'amélioration du produit et la compétitivité vis à vis des marchés rivaux. Si jamais la concurrence s'annonce, c'est que votre marché émergeant a émergé et que vous êtes devenu acteur principal ; vous n'avez plus besoin de vendre le matériel à perte ; du moins, pas plus que vos concurrents, et pas à prix moindre ; l'absence d'exclusivité n'est donc pas un désavantage concurrentiel par rapport à ces concurrents.

Au contraire, la liberté du logiciel permet à la minorité de techniciens créateurs prêts à en user effectivement d'animer une communauté vivante autour de votre matériel, qui en fera un produit répandu, et fera de vous le meneur d'un marché plus large. Même si ces développeurs ne paient pas vos services, leur utilisation de votre plateforme matérielle sera celle de développeurs gratuits pour votre plateforme ; la vente à perte de votre matériel à ces gens-là sera donc aussi bénéfique techniquement que le don si courant fait aux développeurs potentiels, tout en vous offrant pour le matériel une compensation égale à ce qu'elle est pour tout nouvel abonné. À ce sujet, lire ce commentaire.

Mythe : «Le marché a décidé en faveur du logiciel exclusif»
Au contraire, le marché, sur le long terme, a toujours décidé pour les technologies non pas forcément complètement libres, mais plus libres que les technologies rivales, quitte a choisir des technologies résolument inférieures. C'est ainsi que les PC, technologie absolument inférieure à tout, ont vaincu, parce qu'ils étaient la seule architecture matérielle à ne pas être complètement exclusive. C'est ainsi que TCP/IP est devenu le standard mondial de communication, car c'était le seul protocole qui n'était pas exclusif. Etc.

Sinon, quant à expliquer le succès relatif et néanmoins suffisamment spectaculaire des logiciels exclusifs, surtout à court terme, il faut voir que l'informatique est un domaine technologique très récent, où le marché manque complètement de maturité ; aussi, aucune des "décisions" à court terme n'y est définitive, et si les systèmes actuels sont lourds du passif de décisions passées, il faut bien distinguer les lourdeurs dues à l'héritage de choix immatures et les tendances se dessinant dans des systèmes matures ; ces dernières tendances semblent être très favorables aux logiciels libres.

Ensuite, il y a dans tous les phénomènes de choix collectif des facteurs psychologiques auto-renforçants : plus des personnes les utilisent un logiciel donné, plus cela incite d'autres à faire de même. Mais dans le cas des logiciels libres, la visibilité des sources permet une sélection sur des critères techniques, tandis que dans le cas des logiciels exclusifs, leur invisibilité rend ces critères d'autant plus faibles que les vendeurs se livrent une guerre sans merci, qui implique de la part des consommateurs un positionnement immobilisant à long-terme par rapport aux barrières d'exclusivité. On peut donc s'attendre pour les logiciels libres à une sélection technique parmi les logiciels ayant atteint un certain degré critique de diffusion, avec un fort dynamisme, tandis qu'au contraire, les logiciels exclusifs ayant atteint une masse critique agiront comme des trous noirs, attirant les utilisateurs, absorbant les initiatives, empêchant l'apparition d'une concurrence, et rendant les choix grandement indépendant de tout critère technique.

Aucune décision prise dans le contexte du logiciel exclusif ne saurait donc être considérée comme techniquement fiable. Le libre logiciel doit faire face à une industrie qui déraille techniquement, et douée d'une force inertielle peu commune ; cela explique la lenteur (toute relative) avec laquelle il s'impose, progressivement, autant que la très forte accélération avec laquelle il progresse, puisque chaque logiciel libre a l'avantage de dynamiser le marché au fur et à mesure qu'il se développe plutôt que de le scléroser comme il se passe avec les logiciels exclusifs.

Mythe : «Mais le Libre Logiciel ne va-t-il pas laisser les programmeurs sans ressources ?»
Dans son Hacker FAQ, Eric S. Raymond donne la réponse suivante (ici traduite en français) :
Cela semble peu probable -- jusqu'ici, l'industrie du Libre Logiciel semble être créatrice d'emploi plutôt que destructrice. Si le fait qu'un programme soit écrit est un gain économique net sur le fait qu'il ne soit pas écrit, alors un programmeur sera payé, que le programme soit ou ne soit pas libre après qu'il ait été terminé. Et quelque soit la quantité de logiciel "libre" déjà écrite, il semble qu'il y aura toujours une demande en applications nouvelles et sur mesure.

J'ajouterai aussi cette paraphrase de mon Manifeste de la Libre Information, que la plupart des arguments macro-économiques opposés à l'encontre du Libre Logiciel tiennent de la confusion entre le logiciel d'une part, qui, étant de l'ordre des idées immatérielles, n'a aucun coût, aucune propension naturelle à être possédé, et le service informatique, d'autre part, qui lui est matériel, et représente à la fois un coût et une valeur ajoutée. Ce service peut être de l'ordre de la confiance, de la garantie de qualité et de disponibilité, du support technique et du dépannage, de la didactique et de l'information continue, ou simplement de la diffusion avec ou sans emballage ou documentation imprimée. Du fait de cette confusion, certains craignent que la liberté du logiciel veuille dire la gratuité du service informatique, et donc la mort de l'industrie de ce service. Au contraire, le Libre Logiciel implique un libre marché du service informatique plutôt que la collection de monopoles actuels, et donc des services au prix le plus juste pour tous, dont le résultat sera le développement d'une industrie prospère de ces services.

Mythe : «Les programmeurs sont déjà libres de développer ce qui leur plaît»
C'est faux. L'informatique est un domaine aux ramifications déjà fort développées, qui s'étendent de jour en jour. Un programmeur ayant des compétences dans un sous-domaine pointu n'aura pas celles nécessaire pour faire un travail efficace dans d'autres sous-domaines. Il ne peut donc faire valoir ses compétences dans sa spécialité que sur la base de code général déjà disponible. La non-liberté du code le soumet donc aux diktats des détenteurs de "droits" sur la base existante. Il est condamné à recommencer depuis zéro (ou plutôt, depuis la base librement disponible), malgré ses handicaps, ou de s'affilier à une maison d'édition établie.

Certes, il pourra, en réunissant des capitaux humains et financiers, fonder sa propre maison d'édition ; mais alors, ce n'est plus en tant que programmeur, mais en tant que nouveau monopoleur, que le système actuel le favorisera. Le logiciel exclusif opprime donc le programmeur non moins que l'utilisateur. Dans tous les autres domaines connus de l'activité humaine, une "redevance" prélevée par un groupe, non pas pour services rendus, mais pour accorder au débiteur le "droit" d'employer ses propres compétences comme bon lui semble, ne porte pas d'autre nom que racket.

Mythe : «Les plug-ins permettent déjà le développement par des tiers à partir de logiciels exclusifs»
Un logiciel exclusif peut donc permettre dans une certaine mesure aux utilisateurs de bénéficier d'extensions logicielles non effectuées par l'ayant droit du logiciel de base, et aux programmeurs d'exercer leurs compétences. Mais d'une part, cela n'empêche pas les uns comme les autres de subir, ce faisant, l'oppression des détenteurs de privilèges logiciels, qui monnaient fort cher aux uns et aux autres le "droit" de s'échanger des services. D'autre part, les plug-ins ne permettent aucune modification mettant en jeu l'infrastructure du logiciel (par exemple, gestion simultanée de plusieurs langues, ou plusieurs contextes monétaires, dans un même logiciel de base de données ou de finance) ; le plug-in ne permet que d'ajouter que les miettes que l'esprit borné et avide des monopoleurs aura bien daigné concéder (à prix d'or) à d'autres apprentis monopoleurs, et ce sans garantie de pérennité ni pour les utilisateurs, ni pour les programmeurs.

Mythe : «Utilisez des logiciels libres si vous voulez, mais n'empêchez pas les autres de rendre leurs logiciels exclusifs»
De nombreuses personnes arguent qu'il est contraire à la liberté de les empêcher de publier des logiciels exclusifs, et d'empêcher d'autres personnes de les acheter. Or, il semble que parmi les progrès de l'humanité, de nombreux ont trait justement à empêcher des injustices flagrantes d'être commises. Ainsi, l'abolition de l'esclavage, l'enseignement obligatoire, la nécessité pour un automobiliste d'être assuré, les responsabilités implicites d'un fournisseur de service, etc., sont autant de garde-fous qui limitent le champ d'action des citoyens, pour les empêcher de devenir, fût-ce volontairement, des esclaves, des brutes incultes, des dangers roulants, ou des escrocs, les obligeant, dans tous les cas, à faire face à leurs responsabilités, et à ne pas attenter aux libertés des autres.

Bref, il est tout à fait naturel que la loi impose des contraintes, quand celles-ci conduisent à combattre l'injustice, et en fait à faire reconnaître la liberté et la propriété d'autrui, que d'autres voulaient usurper. De plus, notons que ces mêmes partisans de la propriété intellectuelle réclament eux aussi de la loi des interdictions. Mais plutôt que de demander l'interdiction d'injustices, ils demandent des interdictions d'actes naturels, ils demandent l'injustice même. Ce sont eux les usurpateurs du droit de chacun d'utiliser à sa guise ce qui est sien.

Lire aussi à ce sujet cet article de Bradley Kuhn et Richard Stallman: Freedom or Power?.

Mythe : «La propriété intellectuelle incite à la création»
Cette affirmation est pour le moins présomptueuse ; comme toutes les justifications des formes de protectionnisme de toute sorte, elle regarde un tout petit effet positif de la propriété intellectuelle, qu'on voit en négligeant ses larges effets négatifs, qu'on ne voit pas.

Certes certaines informations sont créées et publiées, avec les encouragements du protectionnisme ; mais ce même protectionnisme empêche la création de produits dérivés. Cela est particulièrement important, car les logiciels les plus utiles, les œuvres d'arts les plus marquantes, sont ceux et celles qui seront les plus utilement améliorés, détournés, généralisés ou spécialisés. En rendant cette créativité captive du détenteur pour le moins partial de l'œuvre "originale" (ce qui s'appuie sur le mythe de l'œuvre originale), le protectionnisme informationnel châtre la créativité du monde entier. Ainsi, la même œuvre, qui eût été utile si publiée librement, devient inutile ; pire même : elle devient nuisible ; car alors toute la créativité induite par l'œuvre devient prohibée, tout ce que l'œuvre peut inspirer à ses usagers, au lieu de les enrichir, les asservit au détenteur de droit. L'effet sur les usagers est donc une désincitation à la création.

Le résultat est souvent pire, quand un logiciel, une technique, ou une œuvre d'art "protégée" est jugée non-rentable par ses détenteurs, et dès lors rangée dans un placard et refusée à l'humanité entière ; ou encore quand les détenteurs font évoluer le logiciel dans une voie de garage par des mauvais choix techniques ou politiques. Or dans le cas d'un logiciel exclusif, cela ne peut pas ne pas arriver un jour, après quelques années, car nul éditeur n'a d'intérêt permanent dans un logiciel, ni n'a d'infaillibilité éternelle dans ses choix d'évolution. Toute l'énergie dépensée par les programmeurs à développer ce logiciel, toute l'énergée dépensée par les utilisateurs pour le déployer, sont perdues. Les auteurs véritables du logiciel voient l'œuvre de plusieurs années de leur vie détruite, interdite à tous y compris eux-mêmes; les utilisateurs fidèles voient leur fidélité trahie. Voilà le triste destin de tout logiciel exclusif qui serait techniquement bon : à terme, être un gâchis, une information retirée à l'humanité, plutôt qu'une information offerte à l'humanité.

Enfin, tout l'argent qui passe des mains des usagers aux détenteurs de droits (qui ne sont pas les auteurs, rappelons-le) du fait du protectionnisme (c-à-d. sans qu'ils rendent de service équivalent qu'ils auraient pu facturer autant en absence de protectionnisme) est de l'argent qui ne sera pas investi par les usagers dans des activités authentiquement créatrices ; c'est aussi de l'argent qui incite les détenteurs de droits non pas à créer davantage, mais à pressurer le public ; qui les incite non pas à se rendre utiles à la société, en créant davantage ou en servant les usagers, mais à être nuisibles, en interdisant aux autres de créer et de servir les usagers. L'effet sur les créateurs est donc une désincitation à la création renouvelée.

Ainsi, la propriété intellectuelle n'incite ni les créateurs originaux, ni les usagers de ces créateurs, à créer ; les créations protégées induisent au moins autant de destruction d'information que de création. Ne sont incités à créer que ceux qui n'ont rien d'intéressant à dire, et ne se basent sur aucun travail "protégé" par un autre. Au lieu de promouvoir la création libre et la large dissémination d'une culture universellement partagée, faite de nombreuses contributions à un corpus commun, tissé de liens multiples et étroits, progressant en s'appuyant sur l'ensemble des créations antérieures, la propriété intellectuelle incite à la création contrôlée et la diffusion limitée de cultures cloisonnées, faites de recommencements superficiels à partir du corpus obsolescent d'un domaine public sans cesse repoussé, ne s'appuyant que sur les œuvres possédées en permanence par chaque holding commanditaire donné, ou sinon sur du vide, ou sur ce qui est trop vague pour être revendiqué devant des tribunaux.

Le résultat autant prévisible que mesurable en est une culture du superficiel, du vide, du vague, de l'esprit de clocher, ou le prolongement indéfini de motifs artistiques considérés comme "marques", par des éditeurs ayants droits monopolistiques confiant ces marques à des exploitants démagogiques remplace l'émergence d'écoles artistiques avançant et perfectionnant les techniques par l'étude de variations sur des thèmes vivants et toujours en évolution.

Voir l'analyse économique dans mon article sur les brevets (en anglais).


Axes possibles pour une action politique en faveur du Libre Logiciel

Le problème de la liberté du logiciel étant éminemment politique, il requiert des solutions politiques. Des lois plus ou moins fortes peuvent être votées, mais, même faible, une loi favorisant le Libre Logiciel pourrait avoir l'effet d'un signal fort sur la société. On peut exiger la liberté logicielle, avec les modalités suivantes :

Voir notamment ce projet de loi péruvien.


Autres ressources en-ligne sur le Libre Logiciel


Faré -- François-René Rideau -- Ðặng-Vũ Bân