Santé et Médecine

Cette page contient des articles que j'écris au sujet de la santé et de la médecine. Veuillez lire cet avertissement.

Faré -- François-René Rideau -- Ðặng-Vũ Bân


Table des Matières

Acharnement Thérapeutique
(écrit le 1998-04-12).

Acupuncture
(écrit le 1998-08-19).


Écrit le 1998-04-12. Ajouts le 1998-04-25.

Acharnement Thérapeutique

L'expérience que je vis actuellement de la lente agonie de ma grand-mère maternelle, qui, huit ans après, répète celle sans doute pire encore de son mari mon grand-père maternel, m'incite à réfléchir sur l'éthique médicale.

Mon grand-père maternel, victime d'une attaque cérébrale, fut maintenu en vie sept ans durant. Enfin, je dis "en vie" à défaut d'un meilleur mot: allongé sur un lit, entièrement paralysé, nourri par une sonde, déféquant dans des couches et urinant dans un ustensile en plastique, son corps soigné, lavé et veillé par une petite armée constituée par sa femme, ses enfants, des aides soignants, et des jeunes gens au pair, il n'était même pas l'ombre de lui-même; son cerveau aux trois quarts détruit faisait de lui moins qu'un être humain, et pourtant atrocement plus qu'un légume. Tout ce que l'on pouvait lire sur la moitié de visage qui, n'étant pas comme l'autre figée dans une immuable grimace, pouvait plus ou moins exprimer ce qu'il pouvait encore ressentir, c'était une tristesse infinie et une souffrance permanente.

Dès le début, on savait que tout espoir de guérison était exclus. Il ne restait d'autre chose à faire que de maintenir mon grand-père dans cet état, à grands renforts de moyens techniques et humains. Le coût financier en fut énorme pour la famille comme pour la collectivité. Mais tout autant que ce coût, la famille dut subir le poids moral énorme de ce maintien en l'état: telle "vie" valait-elle la peine d'être vécue ? Ne valait-il pas mieux en finir ? Ou cette "vie" était-elle mieux que la mort ? Qu'est-ce que mon grand-père lui-même, ce vénérable vieillard qui avait su à son heure être bon vivant, aurait décidé ? Il ne pouvait certes plus répondre à cette question, ni à aucune autre !

Combien de fois de membres de la famille n'ont-ils pas voulu en finir. Mais qui aurait pris cette décision ? En l'absence de consensus, qui aurait osé prendre les devants, et assumer toutes les conséquences de son acte? Qui aurait pu jurer que la décision avait été prise dans le seul intérêt du vieillard, et selon ses volontés putatives, et non pas dans le point de vue égoïste du décideur, en quête de son propre soulagement ? Plus le temps passait, plus il devenait difficile d'invoquer l'intérêt ou la volonté du malade sans renier tout le temps passé à le maintenir envie, et en prétendant ne pas agir dans son intérêt personnel. De plus, la Loi obligeait la famille à maintenir le grand-père en vie, nul n'étant habilité à décider de la mort, ce qui faisait qu'une interruption de la vie de mon grand-père par un de ses enfants aurait constitué non seulement moralement l'horrible poids d'une âpre décision, mais aussi légalement un parricide, crime gravissime.

Et là était le problème : la situation était telle que nul n'était responsable. Le malade, moins qu'impotent, ne l'était plus. La famille, tenue par la loi, ne l'était pas plus. Les contribuables et cotisants, ignorants mêmes du problème, l'étaient encore moins. Les fonctionnaires et administrateurs, se bornant à exécuter des règlements et des ordres venus d'en haut, de la Législature ou du Ministère, ne l'étaient pas non plus. Les médecins auraient pu à la rigueur décider du moment d'arrêter les soins, mais par ce qui leur tient lieu déontologie, mais n'est que son absence, aucun n'aurait pris l'initiative, d'autant moins sans un appui clair du soi-disant "comité d'éthique" de la corporation fasciste qu'est l'ordre des médecins.

En fin de compte, tout repose en France sur quelques organes centralisateurs: l'État et de nombreuses institutions "nationales" prétendent prendre toutes les décisions, tout en étant les moins à même de les prendre, du fait de leur éloignement, de leur ignorance du sujet, de la taille même des problèmes à gérer comparée à la leur propre, sans parler des jeux purement politiques et partisans, et du fait que ceux qui passent leur vie à se faire élire et occupent éphémèrement les postes de décision ne connaissent rien de la moindre question un tant soit peu technique. La responsabilité est complètement diluée; seule une poignée d'hommes doit tout décider, mais eux-mêmes ne savent rien et sont soumis aux diktat du court terme et de la popularité, qu'ils ne manquent pas d'invoquer au moindre reproche; à moins qu'ils ne forment une oligarchie de gérontocrates quasi-inamovibles. Et pour empêcher tout contrôle des acteurs les uns par les autres et par les citoyens, tout ceci se fait à travers une hiérarchie opaque, sous couvert de secrets médicaux, professionnels, administratifs, juridiques, "d'État", militaires, etc.

Mais rêvons un peu, et imaginons pouvoir faire abstraction de cette centralisation et de ces secrets qui paralysent la France. Car après tout, le problème n'est pas spécifique à la France d'aujourd'hui, et s'est posé, se pose et se posera dans tous les pays où le niveau de vie est ou sera suffisamment élevé pour permettre le maintien en vie coûteux de personnes improductives qui dans les sociétés moins aisées, étaient, sont ou seraient condamnées à une mort solitaire et rapide. Le problème est de savoir combien dépenser et comment pour améliorer le sort des personnes âgées. Il est clair que c'est là une question sociale importante, et qu'on pourra toujours dépenser plus d'argent pour cette amélioration, quoiqu'avec un rendement décroissant rapidement après un certain seuil. Mais ce problème n'en est qu'un parmi tant d'autre, et ce même argent pourrait être dépenser plus efficacement pour sauver de la misère et de la faim des personnes ayant une plus grande espérance de vie si on les aide, sans parler du bien que le même argent pourrait faire au profit d'habitants de pays moins fortunés, où le coût de la vie est moindre; et s'il s'agit de prolonger globalement la durée de vie des "citoyens" par des moyens techniques, les mesures de prévention, hygiène et prophylaxie, réussiront bien mieux que tous les soins médicaux.

Ce problème n'est donc qu'une instance particulière de celui du "choix de société", savoir, le problème de déterminer qui paiera quoi pour quoi, et qui décidera. Or, nulle structure centralisée ne saurait faire de choix; la société n'est que la conjonction des individualités, et comme en d'autres circonstances, le seul moyen qu'elle soit stable et efficace à la fois est de laisser chacun libre de décider de payer selon son intérêt, c'est à dire de responsabiliser chaque individu, plutôt que de satisfaire artificiellement des besoins inadaptés en infantilisant les citoyens-contribuables. C'est donc à chacun en son âme et conscience de mener sa vie. Une fois ce cadre admis, la seule action sociale efficace en long terme est de créer des structures d'information pour permettre à chacun de faire des choix informés plutôt qu'aléatoires ou dictés par le préjugé.

Dans le cas précédent, cette responsabilisation correspond à cesser toute réglementation positive ou négative d'État, à cesser d'imposer un modèle coûteux d'action ou d'inaction, au nom d'un "prolonger la vie le plus longtemps possible" (qui ne correspond à rien, car une semaine de bonne chère vaut mieux que sept ans de paralysie complète). Il est d'ailleurs fallacieux de prétendre "laisser la nature faire son oeuvre" car quoique nous disions, nous faisons partie de cette nature qui oeuvre. "Laisser faire la nature" n'est qu'un mensonge dans la bouche d'aucuns qui voudraient imposer leur idée de la "nature", ou d'autres qui abdiquent leurs responsabilités. À la place donc, il faut sensibiliser les individus aux risques qu'ils encourent en vieillissant, et s'assurer, légalement si nécessaire, qu'ils auront pris les mesures adéquates pour y parer, ou accepté par avance de n'avoir rien à réclamer en cas de drame.

Je ne connais donc pas et ne connaîtrai jamais la "bonne" réponse quant à ce que sa famille aurait dû décider pour mon grand-père. Je connais encore moins la "bonne" réponse pour les autres cas qui continueront à se poser à de plus en plus de familles de par le monde, au fur et à mesure que l'accès aux soins médicaux permettra de prolonger la vie des personnes âgées. Mais qui donc connaît "la" réponse ? Et si la famille et les médecins ne la connaissent pas, comment donc a fortiori quiconque d'autre pourrait-il décider, qui connaîtrait moins bien encore les circonstances particulières de chaque cas, les opinions et volontés réputées du malade, et les contraintes médicales et leur coût ? Moins que personne, comment donc l'État, entité abstraite s'il en est, (et en fait, en son nom, une caste d'hommes d'affaire et de politique), ou un quelconque comité centralisé, pourrait-il encore prétendre régenter à leur place le sort des mourants ?

Post-scriptum: ma grand-mère s'est éteinte ce jeudi soir. Après qu'elle ait arraché la sonde qui la nourrissait, l'infirmière de service avait décidé de ne pas la remettre. Sans cette décision prise en l'absence d'avis médical ou parental, ma grand-mère aurait pu continuer à survivre des jours, des semaines, des mois peut-être. Tant qu'il n'y aura pas de responsabilités bien établies, les choses continueront à se faire ainsi, à la sauvette, c'est-à-dire mal, à l'insu de tous, sans contrôle ni concertation, sans responsabilité, sans reconnaissance, à l'occasion de moments d'inattention de la part des gardiens de l'irresponsabilité collective.


Écrit le 1998-08-19. Deuxième interprétation le 2001-02-13. Troisième interprétation le 2002-07-10.

Acupuncture

De nombreux médecins dans ma famille pratiquent l'acupuncture, dont certains avec un succès certain quant au soulagement de leurs patients (quant à la guérison, je ne puis pas me prononcer). Voici deux conjectures que j'ai faites, à partir du peu que je crois avoir compris de cet art encore mystérieux. Il semble cependant que mes conjectures soient vraiment douteuses, et la troisième interprétation (qui n'est pas de moi) est celle qui semble faire consensus aujourd'hui.

Première interprétation, conforme à la mystique: Les points d'acupuncture seraient les noeuds (points où le flux s'annule) d'un système généralisé de flux d'"énergie" (ou d'autre chose?) dans le corps humain, qui résulterait de l'un ou de l'interférence de plusieurs parmi les systèmes sanguins, lymphatiques et nerveux, ainsi que de mécanismes secondaires ou marginaux comme la circulation à l'intérieur d'un même organe, ou la diffusion entre cellules voisines, même extraorganiques.

Un désordre interne romprait le délicat équilibre de ce flux d'"énergie", en faisant, par exemple, converger ou diverger un excédent ou déficit d'"énergie" centré sur un ou plusieurs centres d'inflammation ou autre. L'"énergie" irait alors s'accumuler à certains endroits non prévus, et manquer dans d'autres.

En plantant des aiguilles dans certains noeuds, on forcerait le flux à travers ces noeuds à être nul à nouveau, régulant pour le temps du traitement la circulation "énergétique" entre ces noeuds. Si on arrivait à contenir les flux "anormaux", en plaçant des aiguilles aux noeuds délimitant la zone source du dérèglement, on arriverait à réguler la circulation à l'extérieur de cette zone. Les tensions accumulées dans le corps se résorberaient alors partout où la circulation normale est rétablie, d'où soulagement. Quand le traitement se termine, le flux "anormal" reprendrait, et les tensions recommenceraient à s'accumulent jusqu'au traitement suivant, ou disparition de la cause de dysfonctionnement. Parfois, même quand cette cause a disparu, les tensions accumulées pourraient continuer d'incommoder le patient, et l'acupuncture pourrait aider à les résorber.

Notons que ledit trafic "anormal" d'"énergie" comprendrait aussi la réponse interne de l'organisme (système immunitaire, et tous autres régulateurs), et est donc nécessaire à cette disparition, si elle est due à un agent externe notamment. Seulement, cette réponse serait loin d'être parfaite, sa rétroaction pourrait parfois être excessive, et elle entraînerait des dérèglements globaux même pour combattre un mal local. Un traitement permanent, en freinant de façon permanente cette réponse, aurait pour résultat à terme une non-disparition voire aggravation (par prolifération) de la cause de dysfonctionnement.

Le traitement ne serait peut être que secondaire, puisqu'il s'attaquerait à des effets secondaires et non aux causes (la réponse immunitaire, éventuellement stimulée par des fortifiants, étant le plus souvent suffisante comme réponse primaire). Dans le cas de troubles localisés, l'acupuncture permettrait peut-être d'irriguer davantage les organes qui en ont le plus besoin, au détriment d'organes bien portants. Dans le cas de troubles généralisés, avec perte (ou surplus?) massive d'"énergie", l'acupuncture ne pourrait que répartir équitablement la perte (ou le surplus?) dans les zones cloisonnées, ce qui pourrait nuire gravement à la zone la plus touchée. cependant, après qu'une solution aux problèmes "primaires" auraient été trouvée (pansement, traitement "classique", etc), l'acupuncture pourrait aider le convalescent à retrouver le bien-être plus vite.

Deuxième interprétation, plus conforme à la médecine: Les douleurs que soulage l'acupuncture seraient celles dues à une réponse excessive du système immunitaire. En insérant des aiguilles dans d'autres régions du corps, on divertirait une partie de la réponse immunitaire, pour répondre à cette aggression nouvelle, heureusement inoffensive si les aiguilles sont stériles et non toxiques. Les points d'acupuncture ont été choisis pour être loin de tout nerf, donc pour ne pas engendrer de stress semi-conscient ou conscient en provenance du cerveau (douleur). Le bilan d'une série de piqûres serait donc que le patient verrait diminuer son excès d'activité immunitaire dans certaines régions douloureuses de son corps, activité qui se déplacerait vers des régions non douloureuses. En conséquence, sa douleur serait soulagée, tandis que l'activité immunitaire normale suffirait (espérons-le) à répondre à la cause originelle du mal. Selon cette interprétation, l'acupuncture serait une méthode pour combattre la douleur en régulant la réponse immunitaire; elle ne guérirait pas directement, mais aiderait le patient à être mieux dans sa peau, et donc à mieux combattre la maladie par ses mécanismes internes.

Troisième interprétation, semble-t-il la plus acceptée: (Merci notamment à Patrick Burnand). L'acupuncture n'agit que sur la sensation de douleur.

Le système nerveux central (notamment le cerveau) est capable de réguler la douleur, pour pouvoir sentir de très faibles sensations et rendre supportable les douleurs les plus importantes. Les endorphines, molécules de la même famille que la morphine ou l'héroïne, sont sécrétées par le corps notamment en diverses situations (notamment en cas de douleur intense), pour alléger les sensations de douleur en agissant sur le système nerveux.

L'acupuncture fonctionne donc sur la base de 2 effets:

Le fait est que la manière dont la douleur est provoquée n'a aucune importance.

Si quelqu'un a mal à la tête, on peut diminuer ou faire disparaître la douleur à la tête en provoquant une douleur plus intense. On peut le faire en plantant des aiguilles dans le corps, en coupant un bout de peau ou en le fouettant. C'est d'ailleurs de là que vient le sadomasochisme: les sadomasos sont en fait des gens qui aiment l'effet des endorphines produites dans le cerveau et certains en sont même dépendants. De même, certains sportifs ont une forte sensation de plaisir quand ils sont au plus profond de l'effort musculaire prolongé. L'acupuncture arrive à obtenir la production conséquente d'endorphine par des piqûres bénignes induisant elles-mêmes une douleur relativement faible.

L'acupuncture a donc sa place comme technique de contrôle de la douleur au même titre que divers médicaments analgésiques, tels que la morphine et le haschich ou que d'autres produits plus politiquement corrects. Une séance d'acupuncture revient plus cher que de l'administration de morphine, mais a l'avantage de permettre un certain dosage "naturel", éventuellement concentré au bon endroit (la chose reste à montrer), plutôt que l'injection massive de produit chimique dans tout le corps. De plus, l'acupuncture évite de mettre un produit addictif directement dans les mains des patients ou de trafiquants potentiels.

Au-delà de cette action sur la douleur, les théories explicatives habituelles de l'acupuncture sont une pseudo-science mystique qui prétend traiter des maux, mais qui en fait les masque par un effet analgésique. Si le patient a un mal temporaire, comme le mal de tête, il y a de bonnes chances que le problème se termine de lui-même pendant que le patient ressent le soulagement dû aux endorphines. Il pourra alors avoir l'impression que son mal de tête a été guéri par l'acupuncture. La théorie des méridiens quant à elle, serait peut-être une fumisterie, à moins qu'elle ne corresponde effectivement et expérimentalement à la diffusion des endorphines, non pas le long des méridiens eux-mêmes (car les endorphines semble-t-il circulent principalement dans le système sanguin), mais dans les parties du système nerveux central qui correspondent à l'image que notre cerveau se fait de notre corps le long des méridiens (pour terminer sur une autre conjecture de ma part).

Note finale: je me demande combien de chinois ont servi de cobayes malheureux aux essais et aux erreurs des acupuncteurs (dont les premiers devaient être essentiellement des charlatans), avant que les connaissances empiriques fassent de l'acupuncture l'art consommé qu'il est aujourd'hui.


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