Pour ce qui est des travaux d'Augustin Thierry, voir par exemple ce compte rendu d'un de ses ouvrages par Charles Dunoyer, paru dans le "Censeur européen" en 1817.
Las! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ses beautés laissé choir!
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir!
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez, votre jeunesse:
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
J.R.R. Tolkien, "The Lord of The Rings"
Trois Anneaux pour les Rois Elfes sous le ciel,
Sept pour les Seigneurs Nains
dans leurs demeures de pierre,
Neuf pour les Hommes Mortels destinés au trépas,
Un pour le seigneur des Ténèbres
sur son sombre trône
Dans le pays de Mordor où s'étendent les Ombres.
Un Anneau pour les gouverner tous,
Un Anneau pour les trouver,
Un Anneau pour les amener tous,
et dans les ténèbres les lier
Au pays de Mordor où s'étendent les Ombres.
J.R.R. Tolkien, "Le Seigneur des Anneaux"
(Traduction: Francis Ledoux)
Te souviens-tu, du sein de Dieu où tu reposes, de ces longues journées de Ghazir, où, seul avec toi, j'écrivais ces pages inspirées par les lieux que nous avions visités ensemble? Silencieuse, à côté de moi, tu relisais chaque feuille et la recopiais sitôt écrite, pendant que la mer, les villages, les ravins, les montagnes se déroulaient à nos pieds. Quand l'accablante lumière avait fait place à l'innombrable armée des étoiles, tes questions fines et délicates, tes doutes discrets me ramenaient à l'objet sublime de nos communes pensées. Tu me dis un jour que, ce livre-ci, tu l'aimerais, d'abord parce qu'il avait été fait avec toi, et aussi parce qu'il était selon ton coeur. Si parfois tu craignais pour lui les étroits jugements de l'homme frivole, toujours tu fus persuadée que les âmes vraiment religieuses finiraient par s'y plaire. Au milieu de ces douces méditations, la mort nous frappa tous les deux de son aile; le sommeil de la fièvre nous prit à la même heure; je me réveillai seul! Tu dors maintenant dans la terre d'Adonis, près de la Sainte Byblos et des eaux sacrées où les femmes des mystères antiques venaient mêler leurs larmes. Révèle-moi, ô bon génie, à moi que tu aimais, ces vérités qui dominent la mort, empêchent de la craindre et la font presque aimer.
Kein Feuer, keine Kohle
Kann brennen so heiss
Als heimliche Liebe,
Von der niemand nichts weiss.
Keine Rose, keine Nelke
Kann blühen so schön,
Als wenn zwei verliebte Seelen
Beieinander tun stehn.
Setz du mir einen Spiegel
Ins Herze hinein,
Damit du kannst sehen,
Wie so treu ich es mein' !
Viens-tu du ciel profond, ou sors-tu de l'abîme,
O Beauté? Ton regard, infernal et divin,
Verse confusément le bienfait et le crime,
Et l'on peut pour cela te comparer au vin.
Tu contiens dans ton oeil le couchant et l'aurore;
Tu répands des parfums comme un soir orageux;
Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore
Qui fait le héros lâche et l'enfant courageux.
Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres?
Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien;
Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,
Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.
Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques;
De tes bijoux, l'Horreur n'est pas le moins charmant,
Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,
Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement...
Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,
O Beauté! Monstre énorme, effrayant, ingénu!
Si ton oeil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte
D'un Infini que j'aime, et n'ai jamais connu?
De Satan ou de Dieu, qu'importe? Ange ou Sirène,
Qu'importe, si tu rends -- fée aux yeux de velours,
Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine! --
L'univers moins hideux et les instants moins lourds?
Charles Baudelaire, "Les Fleurs du Mal"
En des temps de tradition essentiellement orale, la poésie était un support nécessaire à la transmission de données à travers les âges, d'autant plus quand ces données n'étaient pas directement soutenues par une infrastructure dogmatique de type religieux. Malgré ses tendances à déformer l'histoire et l'embellir (selon les critères du jour), la poésie était donc nécessaire à l'élaboration d'une tradition cognitive et morale.
Comme tout phénomène persistent, la poésie est aussi vecteur de mèmè autoreproducteurs, indépendamment de toute notion d'utilité directe; de tels mèmè, en tant qu'ils participent de la persistance de la poésie, participent de son utilité directe; mais en tant qu'ils parasitent l'information transportée, ils contribuent à l'atténuer. Il y a donc dans la poésie un équilibre précaire entre information et bruit de fond, et les grands poètes sont précisément ceux qui font pencher la balance du côté informatif (que ce soit au premier, au second, ou au nième degré).
En nos temps modernes, les supports d'information persistants sont fiables et bon marchés, tandis que les technologies nouvelles des loisirs et spectacles permettent d'obtenir plus aisément un effet sur les sentiments des masses. La poésie dans sa forme versifiée classique est donc relativement démodée; elle semble n'être plus qu'un jeu pour exercer la finesse d'esprit, réservé à des cercles fermés et élitistes.
Et cependant, à travers les siècles, la poésie a réussi à partiellement s'adapter à certains points de l'intellect humain, ci-fait qu'elle continue à "parler" à ses auditeurs, quand par chance ils en entendent, à travers le sens caché et diffus qu'elle recèle, à travers le rythme et le ton avec lesquels on la déclame, même si sa dépendance vis à vis du contexte linguistique et culturel la rendent bien moins universellement compréhensible que la musique.
Ce qui n'empêche pas par ailleurs l'épiphénomène poétique généralisé de transmission de données à la fois comprimées et redondantes de continuer à se faire, indirectement, par d'autres voies que les vers, que ce soit à fins esthétiques, pédagogiques, politiques, ou commerciales, dans chacun des moyens d'expression humains. Les techniques les plus efficaces issues de la tradition poétique sont d'ailleurs systématiquement reprises et améliorées dans le cadre de la réclame et de la propagande, sources modernes du pouvoir.
Que la poésie soit un outil d'oppression parmi d'autre ne doit pas, loin de là, conduire à une condamnation de la poésie; dans le crime, c'est la main, et non l'épée, qui doit être condamnée. La poésie la plus riche est celle, plus rare, dont le sens est profond, non pas celle, trop commune, qui est toute en superficie.
La poésie est aussi le dernier refuge des prisonniers dans leurs camps de concentrations: des grandes âmes comme Soljénitsyne ou Nguyen Chi Thien, privés de papier plus encore que de nourriture, ont dû leur salut au fait d'avoir pu apprendre par coeur et réciter les dizaines de milliers de vers qu'ils composaient. Car la poésie, de par son essence même, est en chacun d'entre nous, et nul ne peut nous la retirer.
Be my love, for no one else can end this yearning,
This need that you and you alone create.
Just fill my arms the way you filled my dreams,
The dreams that you inspire with ev'ry swell desire.
Be my love, and with your kisses set me burning,
One kiss is all I need to seal my fate.
And hand in hand, we'll find the promised land.
There'll be no one but you for me, eternally
If you will be my love.
(bis)
Sammy Cahn
Assis, il attend
la source de vie.
Mais où est cette source,
sinon en lui-même?
Faré
Déesse de la magie, Tu inspires mon âme.
Déesse de la vie, Tu animes mon coeur.
Déesse de la fécondité, comble donc mes bras.
Tu emplis mon univers d'amour et d'aventure.
Tu dispenses les joies; Tu infliges les peines.
Tu es la source de toutes choses.
Ô ma Déesse, je suis à toi.
Faré
You are the one for me... for me... formi... formidable.
You are my love... very... very... véri... véritable.
Et je voudrais pouvoir un jour enfin te le dire,
Te l'écrire dans la langue de Shakespeare.
My daisy... daisy... dési... désirable,
Je suis malheureux d'avoir si peu de mots
À t'offrir en cadeau.
"Darling I love you, love you, darling, I want you."
Et puis, c'est à peu près tout.
You are the one for me... for me... formi... formidable.
You are the one for me... for me... formi... formidable.
But how can you see me... see me... si mi... si minable.
Je ferais mieux d'aller choisir mon vocabulaire,
Pour te plaire, dans la langue de Molière.
Toi, tes eyes, ton nose, tes lips adorables.
Tu n'as pas compris, tant pis, ne t'en fais pas,
Et viens t'en dans mes bras.
Darling I love you, love you, darling, I want you
Et puis le reste, on s'en fout.
You are the one for me... for me... formi... formidable.
Je me demande même
Pourquoi je t'aime,
Toi qui te moque de moi et de tout
Avec ton air canaille... canaille... can I... How can I love you ?
Charles Aznavour